Les saveurs mètissèes d’Imam Baildi
CRITIQUE Le collectif grec a sillonnè l’Europe mais se faisait rare en France.
Rattrapage mercredi au festival toulousain Rio Loco.
Imam Baildi est une aubergine rôtie au four avec oignons, tomate et huile d’olive, une merveille de la
cuisine ottomane. C’est aussi le nom d’un des groupes les plus singuliers de la scène européenne. Créé
à Athènes par les frères Orestis et Lysandros Falireas, Imam Baildi a commencé par remixer des 78-
tours de rebetiko, le blues des bas-fonds gréco-turcs. «Pour notre premier disque, nous redoutions la
réaction du public, confie Lysandros. Retravailler avec l’ordinateur ces chansons connues et aimées
du public grec confinait au sacrilège.» Pourtant, le disque est plébiscité. Et parvient aux oreilles des
programmateurs des Transmusicales, où le groupe se produit, fin 2007. «Rennes a été notre premier
concert. Nous n’avions pas pensé le projet en termes de scène. Nous avons mis sur pied un groupe en
quelques semaines : mon frère aux platines, moi aux percussions, et quatre musiciens dont deux cuivres pour donner une couleur balkanique.» Le groupe s’étoffera plus tard avec une chanteuse et un
rappeur.
La Bretagne leur a porté bonheur : ils ne tardent pas à devenir numéro 1 en Grèce, tournent
régulièrement aux Pays-Bas, en Allemagne et, depuis 2013, aux Etats-Unis et au Canada. Mais très peu
en France. Conséquence de la crise économique, qui contraindrait Imam Baildi à trouver le salut
financier hors des frontières ? «C’est exactement le contraire, rectifie Lysandros. Nous vivons de nos
nombreux concerts dans notre pays, où nous pratiquons des prix très raisonnables. Crise ou pas, les
Grecs aiment la fête. Quant aux voyages à l’étranger, ils nous coûtent plus qu’ils ne nous rapportent.
Mais c’est pour nous un investissement.»
Imam Baildi a fourni la bande sonore aux bouleversements d’un pays meurtri qui a porté au pouvoir la
gauche radicale. Avec Maraveyas Ilégal, manière de Manu Chao hellène, ou le groupe de reggae festif
Locomondo, ils forment une scène combative et métissée qui nous reste quasiment inconnue. «Il faut
bosser dur pour s’imposer à l’étranger, poursuit Lysandros. Nous avons le défaut d’être trop
introspectifs, tournés vers nousmêmes.
Nous prenons pour modèle le cinéma grec, qui a montré la
voie ces dernières années en révélant un univers original, qui tient à la fois de l’Orient et de
l’Occident.»
La force et l’originalité d’Imam Baildi sur scène viennent de l’alternance entre la chanteuse Rena
Morfi, sur les titres traditionnels, et le rappeur noir MC Yinka. «Il est aussi grec que nous, précise
Lysandros, il est né à Athènes de parents venus du Nigeria, où il n’a jamais mis les pieds.»
François-Xavier GOMEZ
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IMAM BAILDI le 17 juin à Toulouse (31), au festival Rio Loco ; le 2 juillet au Divan du Monde (75018),
le 4 à Saint-Denis-de-Gastines (53), le 5 à Amilly (45).